Fragments de H. H.-D. (001)

[...] et quoi qu'il en soit j'estime désormais de mon devoir de tenter de consigner du mieux que je pourrai les évènements auxquels je me trouve mêlé ou dont je suis le témoin depuis ma prise de fonctions au sein de la Division. Je le fais sans illusion mais non sans appréhension. En premier lieu, je ne suis pas convaincu que ceux qui auront l'occasion de parcourir ces notes saisiront l'urgence que je ressens à faire connaître à l'extérieur ce qui se passe ici. Je vais le dire autrement: il est possible que ce qui m'apparaît lourdement signifiant ne revête aucun sens pour un lecteur extérieur; que ce qui m'alarme, là où je suis, lui semble totalement anodin. En fait je ne me représente que de façon approximative ce qu'est la réalité à l'extérieur - ou plutôt dans les extérieurs - et en quoi elle diffère de la réalité d'ici. J'emploie les termes ici et à l'extérieur par commodité, bien que je les sache impropres à rendre compte du rapport entre ma propre expérience sensible et celle des personnes auxquelles j'essaie de m'adresser. Quant au mot réalité...

   Bref. Je m'appelle Henri Heinz-Daumal -depuis aussi longtemps qu'il m'en souvient- et je suis employé en qualité d'agent de compilation à la Division des Observations. Quoique subalterne mon emploi n'est cependant pas dépourvu d'intérêt. Ainsi, je ne suis pas peu fier du travail de synthèse que j'ai effectué à partir de l'enquête de dix-huit mois menée sur la soudaine disparition de l'ensemble des oeuvres de la poétesse picarde Geneviève d'Aulnoye des rayons de la Bibliothèque Nationale des Rimes et Inscriptions.

   Je pourrais également citer l'étude statistico-qualitative de la Direction des Populations concernant l'influence croissante des doctrines jézidéennes (ou yezidies) au sein de l'immigration d'origine mésopotamienne et anatolienne, qui eut le retentissement que l'on sait.
   H. H.-D.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire